Des amours de jeunesse

Publié le 1 Juin 2016

C’est de manière esthétique, en se focalisant sur des promesses de jouissance sensuelle, que les êtres humains connaissent généralement leurs premiers grands élans amoureux. 

À l’aube de la vie sentimentale, l’amour est éveillé par les lueurs éclatantes de la beauté physique. Éblouis par la splendeur de certains corps, les jeunes gens s’enamourent facilement du premier qui entre en relation avec eux. Le corps radieux de l’autre les détourne du leur, alors perdu dans les brouillards matinaux de la conscience de soi. Ce corps-autre, clairement déterminé, lumineux comme une icône, est pour eux une chose si fascinante qu’ils tendent à s’y attacher éperdument. Les amours de jeunesse sont les moins sages, les plus brûlants, les plus exaltés, mais aussi les plus graves. Souvent éphémères, pas déjà sérieux, ces amours livrent leur signification métaphysique d’une façon encore trop obscure pour pouvoir être pleinement entendue. Du soleil de l’éternité, les jeunes amants n’en perçoivent souvent que l’ombre. Celle-ci pourra d’ailleurs hanter quelques futurs égarés de l’amour jusqu’au crépuscule de leur vie ; conservant à leurs yeux un caractère incomparable, leur première grande histoire demeurera à jamais inoubliable.

Pour les autres, cette expérience inaugurale constituera le point de départ d’une quête effrenée. Alors apaisés par la satisfaction du désir charnel, provisoirement délivrés d’un inexprimable manque, ils se laisseront griser par les innombrables beautés qui peuplent le monde humain. L’attrait de la nouveauté en un autre beau corps les détournera du premier, suscitant de nouvelles attentes, révélant de nouveau manques. La vie amoureuse des jeunes gens est marquée par l’indécision face au vertige que suscite l’infinité des possibles. Il veulent s’engager entièrement dans la passion mais ne veulent pas renoncer à tout ce que le monde leur présente d’aimable. Ne pouvant se résoudre à mourir, dès leur jeunesse, à toutes les beautés qui peuvent frapper leur regard, ils cherchent à la fois l’alternativité et la continuité, l’éparpillement et l’intensité, la superficialité et la profondeur.

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"J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable ; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous."

Molière, Dom Juan, acte I, scène 2.

Rédigé par Jean-Marie Le Quintrec

Publié dans #L'amour

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